Aujourd'hui, les pièces de charpente sont la plupart du temps sciées. Autrefois, elles étaient équarries à la hache.
Une pièce de bois, chêne ou chataignier étant toujours un peu courbe, il est dommage de la scier droite puisque l'on perd alors beaucoup de sa section et de sa force.
Pour éviter d'utiliser du bois scié, il est possible d'utiliser le bois rond ou de l'équarrir à la hache, on parle alors de "bois de brin". Ainsi, en conservant un coeur au centre de la poutre, le charpentier préserve l'intégrité de l'arbre, les fibres ne sont pas tranchées et la pièce a toute sa continuité, ses fibres enveloppent harmonieusement les défauts naturels du bois, sans être interrompues brutalement à la surface de la coupe.
Régis Martin de l'association Charpentier Sans Frontières écrivait à propos de l'équarrissage manuel :
"Cette différence entre bois scié ou non a des conséquences en termes d'optimisation de la matière et de la performance des bois. L'économie se fait aussi sur l'âge des sujets. Car un brin long et nerveux peut s'extraire d'un arbre relativement jeune si cela se fait à la main. Ce qui pourrait apparaître comme un détail pour des pièces à peu près rectilignes, devient un problème structurel fondamental dès que les bois affectent des épures courbes. Car la courbure donne de la force au bois lorsque le fil est préservé. Et elle constitue une fragilité s'il est interrompu. Il ne s'agit certainement pas d'un folklore."
Je vais expliquer ici la méthode que j'utilise pour tailler mes assemblages sur du bois rond.

Tout d'abord, les pièces de châtaignier dont épluchées à la plane.
La difficulté dans les assemblages à tenons et mortaises sur des bois ronds réside dans le fait qu'il va falloir tailler une "gueule de loup" sur la pièce portant le tenon, qui viendra s'adapter au "mouton" de la pièce qui a la mortaise.
Après avoir tracé mon épure sur un support de niveau, il s'agit de définir aux pièces de bois une position dans l'espace. J'observe ma pièce et en fonction de sa courbe, de ses défauts, je décide de son orientation .

Ensuite je trace à chaque bout une "plumée de devers", c'est-à-dire un trait de niveau, passant par l'axe de la pièce. Je peux facilement régler la plumée en manipulant un serre-joint.

Alors je visse en bout de chaque pièce de bois une cale de contreplaqué de même hauteur :
Les pièces peuvent alors être piquées en vue de la taille des assemblages.

Je m'arrange alors pour avoir un mouton bien droit, à l'endroit de la future mortaise. Je rectifie au besoin à l'aide de la plane.
La mortaise peut être taillée, en fonction du diamètre de la pièce à recevoir.
Pour le tenon, je le taille avec une surcote en longueur puis je taille l'arasement en gueule de loup en m'approchant petit à petit.

Je trace les arasements avec un compas équipé d'un petit niveau à bulle magnétique.

Je dégrossis à a tronçonneuse...

...puis termine au ciseau...

...en vérifiant la rectitude de la gueule de loup

La gueule de loup doit s'adapter parfaitement au mouton


Voilà, nous avons maintenant nos trois fermes, nos pannes et nos liens. Il ne reste qu'à lever le batiment.



Bilan (je précise que je n'ai pas de mortaiseuse):
Taille d'un portique : 20 heures
Taille d'une ferme : 11 heures (9 si j'ai une mortaiseuse)
Taille d'un tenon à gueule de loup : 3h30